Quand Fred Vargas fait des bulles...

Les quatre fleuves – dessins de Baudoin et scénario de Fred Vargas – aux éditions Viviane Hamy

Une aventure du commissaire Adamsberg, qui prend vie cette fois sous les traits et le pinceau de Baudoin, dans laquelle on fait connaissance avec une de ces tribus chères à Fred Vargas.
Grégoire, jeune rêveur-braqueur à rollers, ses trois frères, Guillaume l'employé de banque réglo, Gauthier l'agriculteur de banlieue écolo, Gratien l'acteur en mal de rôle qui déclame du Rimbaud tous azimuts, et le père, sorte de Facteur Cheval « atteint grave Le Bernin », qui s'est donné pour oeuvre de reconstituer la célèbre fontaine romaine du maître grandeur nature, mais en canettes et capsules de bière...
Tout cela, bien sûr, sur fond d'enquête policière et de chasse au tueur en série.
Le pari était risqué, mais l'alchimie fonctionne. L'adaptation est réussie, et le graphisme à la fois précis et flou de Baudoin incarne avec justesse et poésie l'univers de Vargas.
Le noir et blanc du dessin vient renforcer l'atmosphère de grisaille des rues de Paris, des terrains vagues de sa banlieue et des bretelles d'autoroute où Grégoire entame son échappée belle en compagnie de Calamity Jane, la poule naine en mal d'horizons.
Les bédéphiles inconditionnels de la mise en page pourront émettre quelques réserves sur certaines planches un peu « trop écrites », où le texte prend le pas sur le dessin. Néanmoins, le travail à quatre mains pratiqué ici, même s'il reste un exercice de style assez périlleux, évite les trahisons classiques de l'adaptation littéraire en images.
A lire donc, pour la plume de Vargas, et à relire ensuite, pour savourer la finesse de la brume dans laquelle Baudoin cisèle les personnages et les décors.